Le pouvoir des habitudes
de Charles Duhigg
par Mauro Morgana
En lisant ce koob, vous découvrirez que les habitudes sont des mécanismes très puissants.
Vous découvrirez aussi :
- que les habitudes suivent un schéma bien précis ;
- qu’il est possible de modifier des habitudes, mais pas de les supprimer ;
- que les habitudes peuvent facilement conduire au succès ;
- que si elles ne sont pas comprises, les habitudes peuvent se révéler destructrices.
L’existence de Lisa Allen, américaine de 34 ans, est régie par ses mauvaises habitudes : tabagisme, obésité, accumulation de dettes. C’est le jour où son mari la quitte que Lisa prend conscience d’une chose : sa vie doit changer. C’est à partir de ce déclic que Lisa entame un changement complet de son mode de vie, en se focalisant sur un objectif en particulier : arrêter de fumer. Elle devient alors méconnaissable. Comment le changement d’une habitude destructrice peut être le point de départ d’une toute nouvelle existence ? Pour répondre à cette question et à bien d’autres, vous allez pouvoir bénéficier des recherches de Charles Duhigg, qui a étudié les habitudes au sein de l’armée américaine, pour en décrypter les mécanismes.
Les habitudes suivent un processus neurologique bien défini
Eugène Paulie, un homme de 70 ans, oublie soudainement l’existence de son fils.
Il se présente à l’hôpital accompagné de sa femme, suite à de fortes douleurs abdominales, de la fièvre et une déshydratation. Après des examens, les médecins découvrent qu’Eugène Paulie a été, en réalité, victime d’une encéphalite virale aggravée, lui ayant provoqué des lésions cérébrales.
Eugène a rapidement des difficultés à se situer dans l’espace et le temps, il ne se souvient pas de son âge et oublie même l’existence de ses amis. Sa mémoire immédiate ne fonctionne plus.
Néanmoins, il peut retrouver le chemin de sa maison, alors même qu’il est incapable de la situer sur un plan du quartier. Eugène a des habitudes qui sont ancrées en lui. Il lui est même possible de se forger de nouvelles habitudes.
Son cas a permis de grandes avancées scientifiques. Grâce à lui, des chercheurs du MIT se sont intéressés au processus neurologique de l’habitude. Ils ont étudié les ganglions de la base du cerveau et ont découvert que les noyaux gris y stockent les habitudes, permettant ainsi au cerveau de se mettre en veille, lors des mouvements de routine.
Lors d’une expérience avec des rongeurs, les scientifiques ont réussi à décrypter l’activité cérébrale, lorsqu’un individu se retrouve dans une situation familière.
En début d’expérience, l’activité cérébrale et mnésique est très élevée, mais diminue au fil des répétitions. Le cerveau se met en veille, car les actions répétitives sont converties en automatisme : c’est ce qui est appelé le “chunking”.
Pour se mettre en veille au bon moment, le cerveau suit un schéma précis, celui de la boucle de l’habitude : signal → routine → récompense.
Finalement, les habitudes sont indispensables, car elles permettent de soulager le cerveau de décisions futiles. Bonnes ou mauvaises, elles sont enracinées en vous et ne peuvent disparaître. Elles sont plus fortes que le bon sens. Elles sont très puissantes, mais aussi très fragiles. Si un détail change, les habitudes seront aussitôt perturbées.
Il est tout à fait possible de se créer de nouvelles habitudes
Au XIXe siècle, Claude Hopkins, un génie de la publicité révolutionne le mécanisme des habitudes pour en faire une science.
Il définit deux principes de base pour vendre un produit, en créant des déclics :
- trouver un signal simple et évident ;
- définir clairement la récompense.
Par exemple, il réussit à instaurer une nouvelle habitude dans la société américaine : le brossage de dents. Pour ce faire, il ajoute un élément à la boucle de l’habitude : le désir. Pour vendre la pâte à dentifrice “pepsodent”, il mise tout sur un élément : la plaque dentaire.
Il crée donc un cycle de l’habitude bien précis pour le dentifrice : avoir un film opaque sur les dents (signal) → vouloir un beau sourire (désir) → se laver les dents (routine) → avoir un beau sourire (récompense).
Aujourd’hui, se brosser les dents est devenu un geste quotidien. En réalité, le succès de “pepsodent” ne réside pas dans son action contre la plaque dentaire, ni même dans les spots publicitaires, mais dans sa composition.
La pâte du dentifrice, tout à fait similaire à celle des autres marques, est mélangée à de l’acide citrique et des huiles essentielles de menthe qui procurent, aux consommateurs, une sensation de fraîcheur et de propreté. Claude Hopkins vend en réalité une sensation, celle de propreté.
Cette même sensation de propreté a été utilisée pour d’autres produits. Par exemple, lorsque “Febreze” est mis au point, c’est un produit révolutionnaire, capable d’éradiquer les mauvaises odeurs, grâce aux molécules HPBCD. Incolore, inodore, peu coûteux et extrêmement efficace, il ne se vend pas aussi bien que prévu, voire pas du tout.
Des experts de la psychologie du consommateur découvrent que les odeurs nauséabondes qui vous entourent deviennent imperceptibles avec le temps, car vous vous en accommodez. Or si vous êtes incapable de percevoir une mauvaise odeur, vous n’utilisez pas le spray !
En l’absence d’un signal tel que la mauvaise odeur, il ne peut pas y avoir d’automatisme. Pourquoi ne pas changer le motif d’utilisation et utiliser **“Febreze” comme la touche finale du ménage ? En se tournant dans cette direction, le produit a évolué, la formule de base a été modifiée, ils y ont ajouté un parfum.
En effet, les gens ne veulent pas d’un intérieur inodore, mais d’une maison qui sent bon. “Febreze” est ainsi devenu un produit utilisé quotidiennement par les consommateurs.
Il est également possible de modifier des habitudes déjà présentes
Wolfram Schultz a prouvé que les habitudes créent des besoins neurologiques.
Prenez l’exemple des addictions, telles que le tabac, l’alcool ou même la boulimie. La vue d’un paquet de cigarette crée une envie de fumer, un besoin de nicotine. La tentation est presque insurmontable, elle est même plus forte que tous les inconvénients qui existent (développement de maladie, mauvais rapport avec ses proches, perte de son emploi, perte de sa réputation, etc.).
La boucle de l’habitude est plus forte lorsque l’envie y est associée : signal → envie → routine → récompense.
En 1934, Bill Wilson, un alcoolique de 39 ans, réussit à créer l’une des plus puissantes formules de changement : il fonde les alcooliques anonymes.
Engagé en France pendant la première guerre mondiale, il goûte à l’alcool à l’âge de 22 ans et y prend goût. Cependant, cet élixir de vie, comme il l’appelle, le conduit à la fin de son mariage et à la perte de sa fortune.
Décidé à arrêter l’alcool, Bill Wilson tente toutes sortes de cures, sans jamais parvenir à devenir sobre. Un jour, alors qu’il suit un sevrage au belladone, Wilson implore la bonté de Dieu et est soudain emporté par une vague de bien-être. Convaincu de l’influence de Dieu, il ne boit plus aucune goutte d’alcool de toute sa vie.
Les alcooliques anonymes ne suivent aucune règle stricte et ne se basent sur aucune découverte scientifique. Bill Wilson a simplement écrit 12 étapes essentielles, d’après son expérience personnelle. La démarche n’a rien de scientifique.
Chaque individu tente de découvrir ce qui le pousse à boire et ce que la boisson lui apporte comme satisfaction. A partir de là, l’individu sait reconnaître son signal et sa récompense. Il peut changer sa routine et donc modifier sa boucle de l’habitude.
Disséquer une habitude permet de la comprendre et de la changer. En ne modifiant que la routine et en conservant le même signal et la même récompense, changer un comportement devient possible. Il faut savoir remplacer la routine par une autre activité, plus saine.
Pourquoi les réunions des AA sont-elles si efficaces ? Une étude menée par Ulf Mueller, neurologue, a démontré que les thérapies, comme celles des AA, sont plus prometteuses qu’une modification chirurgicale du cerveau.
En effet, basées sur la spiritualité et la communauté, les réunions des AA rassemblent deux facteurs de réussite :
- la foi ;
- l’esprit de groupe.
Parfois, les tragédies sont la clé du changement
En 1996, Tony Dungy, un entraîneur de football, accomplit la prouesse d’amener l’équipe la plus médiocre de la ligue nationale de football, au sommet.
Après 10 ans de défaites à répétitions, les Tampa Bay Bucaneers sont surnommés “le paillasson de l’Amérique”. Cela dit, une fois pris en main par Dungy, leur manière de jouer change du tout au tout et les amène progressivement vers la victoire.
Il deviendra l’un des entraîneurs les plus respectés et sa méthode deviendra universelle. Quel est le secret du coach ? Comment arrive-t-il à transformer une équipe de perdants en une équipe de champions ?
Il a une philosophie de jeu bien particulière : changer les habitudes des joueurs, en leur inculquant des automatismes simples pour accélérer leur temps de réaction. Transformer leur tactique de jeu en automatisme.
Pour y parvenir, il suit une règle d’or : vous pouvez changer tous les automatismes, si le début et la fin de la boucle des habitudes restent inchangés.
C’est d’après ce principe que Tony entraîne ses joueurs. Il leur apprend des mouvements clés et leur fait répéter, jusqu’à la perfection.
Ainsi, lorsqu’ils sont au cœur de l’action, les joueurs ne laissent pas de place à la réflexion et ne font pas de faux pas. Néanmoins, le coach remarque que, dès lors que son équipe joue un match important à forte dose de stress, les joueurs reviennent sur leurs acquis et perdent leurs moyens et ce, à chaque fois.
Pourquoi ? L’entraîneur n’a jamais compris pourquoi si près de la victoire, ses joueurs perdaient confiance en leur tactique. Ce n’est qu’après un évènement tragique qu’il comprit. Trois jours avant Noël, l’un des fils de Tony Dungy décide de se donner la mort et se pend.
Suite à ce désastre, le coach est dévasté. Son équipe des Colts veut réellement le réconforter et lui montrer son soutien. C’est alors qu’ils se donnent à fond pendant leur match et croient plus que jamais en leur tactique de jeu qui les mènera à la victoire.
Bien heureusement, la tragédie n’est pas le seul déclencheur de conviction, mais il arrive qu’elle contribue au changement des habitudes, comme un déclic.
En se concentrant sur une habitude clé, vous pouvez améliorer chacun de vos automatismes
En 1987, Paul O’Neill est nommé PDG d’ALCOA (Aluminium Company of America), l’une des plus grandes industries du pays. Le fonctionnaire, alors âgé de 51 ans, est peu connu dans le milieu et son arrivée en fait discuter plus d’un.
Lors de son discours de présentation, O’Neill ne présente pas son parcours professionnel, ne mentionne jamais le mot “profit” ou “bénéfice”, mais met en avant un seul sujet : la sécurité au travail.
Son discours est déroutant, l’auditoire ne comprend pas comment un homme, désintéressé de tout profit potentiel, peut être à la tête de l’une des industries les plus importantes aux Etats-Unis.
L’objectif d’O’Neill, celui de créer une habitude d’excellence basée sur la sécurité des employés, paye rapidement. En 13 ans, les bénéfices annuels de l’entreprise sont multipliés par 5 ! Comment O’Neill a-t-il pu augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise en se basant uniquement sur les notions de sécurité au travail ?
Il a tout misé sur une habitude clé, un processus qui, progressivement, a le pouvoir de tout changer. En mettant l’accent sur le respect des normes de sécurité, O’Neill a su isoler les failles de l’entreprise et comprendre son fonctionnement.
Chaque accident de travail, dans une usine, doit faire l’objet d’un rapport détaillé qui est transmis à la direction et à toutes les hiérarchies. La communication entre les différents échelons de l’entreprise devient alors automatique.
Chaque erreur, ayant entraîné une blessure, est analysée et les machines fautives sont remplacées, les responsables d’équipe ne respectant pas la philosophie de sécurité sont licenciés, qu’importe leur degré d’ancienneté dans l’entreprise.
Cette manière de travailler augmente peu à peu la productivité et la rigueur de travail. Le renforcement de la sécurité constitue une petite victoire dans l’entreprise. Elle permet la fondation d’un réseau de communication mondial à travers les e-mails.
L’outil devient vite un moyen d’échange rapide concernant les actualités du marché. Le climat instauré au sein de la filiale est propice à l’innovation. Le mode de gestion O’Neill est, aujourd’hui, étudié dans les plus grandes universités du pays et repris par d’autres enseignes.
Les petites victoires mènent aux grandes réussites
En 2008, Michael Phelps, champion de natation, concourt aux JO de Pékin. Michael est émotif et il angoisse très facilement, avant les compétitions.
Afin de renforcer sa force mentale, Bowman, son coach, incite sa mère à lui lire un manuel de relaxation. Il instaure aussi un rituel particulier chez le nageur. Chaque soir avant de s’endormir, Michael visualise la course parfaite. Avant chaque course, Michael joue cette “vidéo” dans sa tête pour se calmer et être plus concentré.
Cette routine, avant chaque compétition, permet au nageur de ne plus penser à rien, d’être détendu et de transformer la victoire en une suite logique de sa routine. Cette petite victoire sur son stress lui permet de gérer d’autres aspects de sa vie, comme son alimentation ou son sommeil. Cette routine s’ancre en lui.
Ainsi, même lorsqu’il a un souci avec ses lunettes le jour des JO de Pékin, il garde son calme, finit la course et bat le record mondial. Grâce à sa visualisation, Michael avait déjà anticipé la situation qu’il a réussi à gérer sans souci. Il remporte alors sa dixième médaille d’or !
C’est en changeant une habitude clé que vous arrivez à avoir le contrôle sur le reste de votre vie.
C’est grâce à ce principe que le mouvement de défense des droits homosexuels a réussi à faire adopter des textes de loi.
En demandant une simple reclassification moins dévalorisante des livres sur le mouvement de la libération homosexuelle à la bibliothèque du congrès, l’association psychiatrique américaine a redéfini l’homosexualité, en cessant de la considérer comme une maladie mentale, ouvrant ainsi la voie à une évolution de la législation.
C’est aussi d’après ce principe que fonctionnent les pertes de poids les plus efficaces. Une étude de 2009 a prouvé que la retranscription quotidienne de ses repas permet d’isoler des moments de la journée où les individus ont une petite faim.
A partir de ce constat, les individus peuvent anticiper ces périodes de la journée en apportant avec eux un fruit. Ce journal de repas constitue aussi une structure de base pour reprendre son alimentation en main et une nouvelle manière d’envisager la nourriture.
Le milieu professionnel peut révolutionner vos habitudes
Travis Leach grandit dans un contexte familial particulier. Fils de drogués, il a tout juste 9 ans lorsqu’il est contraint de contacter le 911 pour signaler l’overdose de son père.
Ses parents sont sous héroïne la plupart du temps. La famille déménage régulièrement. Victime de harcèlement scolaire, Travis quitte le lycée à l’âge de 16 ans, puis enchaîne les petits boulots. Il a beaucoup de mal à conserver un emploi.
Trop fragile pour supporter les critiques, il a un rapport aux autres difficile et dès lors qu’un client se montre insatisfait, Travis flanche et s’énerve. Un jour, l’un de ses clients lui suggère de postuler chez Starbucks.
Barman dans l’équipe du matin, Travis est aujourd’hui à la tête de 2 Starbucks et gère 40 employés. Il gagne 44 000 $ par an et n’a aucune dette. L’entreprise a réussi à changer un jeune homme issu d’un milieu difficile en un homme respectable et stable. Quel est le secret de l’enseigne ?
La marque est édifiée par Howard Schultz. Issu d’un milieu défavorisé, Howard est très soutenu par sa mère qui croit énormément en lui. Elle lui pose des questions chaque matin et l’aide à se fixer des objectifs. En 1987, Starbucks, qui compte 6 enseignes, est en perdition. Schultz rachète la marque qui deviendra l’une des plus grosses réussites commerciales.
Convaincu qu’il faut croire aux capacités de chacun, Howard mise tout sur la confiance qu’il accorde en ses partenaires et sur l’importance de la relation humaine.
Conscient que certains employés ont des difficultés à faire face aux situations stressantes, comme des clients malpolis ou une file d’attente trop longue, il apprend aux employés à gérer leurs émotions. Des manuels sont mis en place pour permettre à chacun d’anticiper leur réaction, en cas de situation d’angoisse.
Si Travis avait été employé chez Starbucks un an plus tôt, il aurait pu dire un dernier au revoir à sa mère, mais aussi arriver à l’heure à l’hôpital pour voir son père une dernière fois ou, au moins, savoir parler à l’infirmière pour la convaincre de lui laisser quelques minutes aux côtés de son père, même si les heures de visites étaient finies depuis quelques minutes.
La volonté nourrit le succès
Des chercheurs ont mené une étude concernant la volonté.
Des enfants entrent dans une salle où se trouve un marshmallow. S’ils sont capables d’attendre quelques temps sans toucher à la friandise, ils auront le droit à un second marshmallow et pourront donc les manger.
Certains ne savent résister à la tentation et mangent le bonbon, d’autres arrivent à patienter et reçoivent donc une double récompense.
Suivis pendant une période relativement longue de leur vie (de leur enfance jusqu’au lycée), les individus qui ont su s’autoréguler ont une vie plus réussie que les autres (alimentation, sommeil, études, situation sociale…).
Mark Muraven, un étudiant en psychologie intéressé par cette étude, mène d’autres expériences pour approfondir les connaissances relatives à la volonté.
Pour sa première expérience, il rassemble deux groupes d’étudiants dans une salle. Sur une table, un bol de cookies et un bol de radis. Chaque groupe est assigné à l’un des deux récipients et ne doit manger que le contenu de celui-ci, soit les cookies, soit les radis. Les mangeurs de radis, dont la tâche est plus difficile, doivent faire preuve d’autodiscipline.
Une fois cette première épreuve passée, Mark se demande si la volonté est une ressource infinie qui perdure épreuve après épreuve. Il place donc les deux groupes d’élèves face à un casse-tête géométrique impossible à résoudre et observe la volonté de chaque groupe.
Le constat est sans appel : alors que les mangeurs de cookies se concentrent environ 19 minutes sur le casse-tête, les mangeurs de radis n’y consacrent que 8 minutes, puis abandonnent.
Il répète cette expérience en appuyant sur un élément : les sentiments. La manière de s’adresser aux autres est primordiale. Si vous vous adressez à quelqu’un de manière polie et respectueuse, la tâche demandée sera effectuée plus efficacement.
La volonté est donc un muscle dépendant des sentiments, c’est aussi un muscle qui se fatigue, mais peut-on exercer ce muscle ?
En 2006, les chercheurs australiens tentent de répondre à cette question. Ils mènent plusieurs expériences. Dans chacune d’entre elles, les individus sont poussés à dépasser leurs limites dans différents domaines, tels que le sport.
Le constat est clair : la volonté peut se renforcer dans un domaine, pour ensuite se répercuter dans d’autres.
Les routines dans l’entreprise sont indispensables à leur bon fonctionnement
Deux professeurs de Yale, Richard Nelson et Sidney Winter ont écrit un livre intitulé “La théorie évolutionniste du changement économique”. L’ouvrage est devenu une référence dans le monde du marketing et des stratégies commerciales.
Evidemment, puisqu’il énonce un principe fondamental de réussite pour les entreprises : il est nécessaire de trouver des habitudes organisationnelles équilibrées pour maintenir une paix entre les employés.
Malheureusement, tous les lieux de travail ne sont pas dotés de routines bien pensées et cela peut rapidement mener à la catastrophe.
L’hôpital de Rhode Island est l’un des plus réputés du pays, jusqu’au jour où les habitudes qui rythment son existence le mènent à être surnommé “l’établissement en perdition”.
L’établissement est rythmé par des tensions entre infirmières et médecins. Les infirmières sont si mal traitées qu’elles ont instauré des routines nécessaires au bon déroulement de leur travail.
Elles doublent de vigilance face aux médecins susceptibles de faire des erreurs et instaurent un code couleur propre à chaque docteur, afin de savoir comment réagir en cas de problème :
- bleu : sympathique ;
- rouge : désagréable ;
- noir : exécrable, ne jamais contredire.
Toutefois, cette routine n’est pas une solution et mène à des désastres. De nombreuses erreurs médicales sont commises : les infirmières n’osent pas contredire certains médecins qui ne respectent pas toujours leur temps de pause et commettent donc plus d’erreurs.
La trêve est déséquilibrée. Seules les infirmières ont cherché des solutions et pris sur elles pour que le travail se passe dans les meilleures conditions.
Une paix efficace repose sur trois principes :
- l’équilibre des pouvoirs ;
- la création d’une paix durable ;
- l’énonciation claire des responsabilités de chacun.
Malgré tout, ces principes ont parfois besoin d’une crise majeure pour pouvoir être mis en place.
Des routines mal pensées peuvent conduire à la catastrophe
En 1987, un incendie s’est déclaré dans une station du métro londonien. Il aurait pu être évité rapidement, mais a fait 30 morts et 100 blessés.
Lorsqu’un passager lui a signalé un tissu en feu dans la station, Philip Brickell, employé du réseau de métro, n’a pas alerté ses supérieurs ni même les pompiers.
La procédure était claire : ne pas empiéter sur le travail des autres, rester dans ses fonctions et n’appeler les pompiers qu’en dernier recours. Philip a donc suivi la procédure et gardé cet incident pour lui. Il est resté dans ses fonctions.
Après trois autres alertes de passagers, un policier présent dans la station a prévenu ses coéquipiers qui ont fait remonter l’information jusqu’à la caserne. Le début d’incendie s’est transformé en énorme brasier, en seulement quelques heures et des passagers ont été pris au piège.
Il aura fallu environ 6 heures, avant que les flammes ne disparaissent sous les efforts des pompiers. Le drame aurait pu être évité.
Deux ans plus tôt, la direction des pompiers avait averti les quatre dirigeants du non-respect des normes de sécurité en cas d’incendie. La lettre n’est jamais parvenue aux employés. Le problème de communication et l’habitude que les employés ont pris de ne pas empiéter sur le travail des autres ont mis à mal la sécurité de centaines de personnes.
Malgré les conséquences désastreuses, ce genre d’incident est souvent une occasion précieuse de réforme.
Après l’incendie, Desmond Fenell, enquêteur, a publié un rapport alarmant au sujet de l’incompétence bureaucratique du métro de Londres. Cette révélation, médiatisée, a alarmé les voyageurs et le gouvernement qui se sont mobilisés.
Les directeurs ont été remplacés et le fonctionnement du réseau, révolutionné. Aujourd’hui, la sécurité des passagers passe avant tout autre principe. Les crises comme celles-ci sont indispensables, encore faut-il savoir saisir l’opportunité.
Les statistiques peuvent déchiffrer les habitudes de chacun
Autrefois, les chaines de distributions, telles que Target ou Walmart, se basaient sur la psychologie pour pousser à la consommation. Cette technique de vente s’intéresse à la population dans sa globalité.
Pour pouvoir anticiper les achats de chaque catégorie de la société, les entreprises ont recours aux statistiques. Andrew Pole occupe le poste d’analyse de données chez Target.
Lors de leurs achats, les clients transmettent des données aux magasins qui ont la possibilité d’établir des profils individuels et, ainsi, de cibler leurs publicités (coupons de réduction personnalisés, pubs individuelles...).
Le travail d’Andrew consiste à analyser les données, pour ensuite définir les profils des clients et leurs proposer des produits ciblés.
En 1984, une étude menée par Alan Andreasen a révélé que les habitudes de consommations évoluent lors d’évènements majeurs.
L’arrivée d’un bébé est une mine d’or. Andrew a donc mis au point un programme capable d’identifier les femmes enceintes selon leurs achats et même, de prévoir la date de l’accouchement. La marque enverra alors des coupons pour les couches. Si une mère achète ses couches chez Target, elle y achètera tout le reste, elle aura ses habitudes.
Le monde de la musique utilise aussi les statistiques. En 2003, le logiciel Hit Song Science définit la chanson “Hey-Ya” du groupe Outkast, comme un sticky (un tube qui va marquer les esprits), mais la chanson a déplu.
En effet, les chansons qui plaisent le plus sont celles qui ont un air familier. La chanson ne ressemblait à aucune autre et les radios ont dû la glisser entre deux hits, pour pouvoir l’intégrer dans le registre musical des auditeurs.
C’est en se basant sur cette politique de l’habitude que la commission des habitudes alimentaires a réussi à intégrer les abats de viande dans le régime alimentaire des américains. Pour adopter un nouveau comportement, celui-ci doit revêtir une apparence familière.
Les luttes sociales ont recours aux habitudes
Les habitudes sociales ont énormément de pouvoir, elles sont capables de changer le monde.
À Montgomery, en 1955, Rosa Parks refuse de laisser son siège de bus à un homme blanc. Elle ne sait pas encore qu’elle vient de commencer l’une des plus grandes luttes sociales de l’Histoire.
Pourtant, ce n’est pas la première à refuser la ségrégation dans les transports. D’autres avant elle ont été emprisonnés ou même tués pour avoir fait la même chose. Pourquoi le mouvement prend-il autant d’ampleur cette fois-ci ?
Rosa Parks est très respectée et ancrée dans sa communauté. Elle est membre de plusieurs associations et tisse des liens amicaux avec des personnes issues de cercles différents. Elle est appréciée de tous.
Lorsqu’elle est arrêtée, ses connaissances se mobilisent pour l’aider et l’indignation se propage à travers ses liens faibles (les amis de ses amis) jusqu’à ce qu’elle concerne la communauté noire tout entière.
Une fois les étapes 1 et 2 terminées (1 : mobilisation des proches ; 2 : mobilisation de la communauté), l’étape 3 est la clé de la réussite du mouvement : avoir un chef capable de changer la communauté, de lui donner une identité.
Vous l’aurez deviné, le leader de ce mouvement est, bien sûr, Martin Luther King. Pasteur à Montgomery depuis environ 1 an, il accueille les premières réunions dans son église et préside le boycott des bus.
Face à une communauté de plus en plus violente envers les forces de l’ordre, il parvient à amener une nouvelle lumière au mouvement. La lutte anti-ségrégation devient alors une union pacifiste où la haine de l’homme blanc se transforme en amour et en pardon.
Libérés de cette colère et de cette peur, la communauté noire devient plus forte. En 1956, la loi des transports est abrogée et en 1964, le président Lyndon Johnson signe le “Civil Right Acts”.
Il est difficile de définir la responsabilité que vous avez lorsque vous agissez par automatisme
Selon vous, entre un homme qui tue son épouse et une femme qui perd toute sa fortune dans les casinos, qui est le plus responsable de ses actes ?
Angie Bachmann est une mère au foyer et elle s’ennuie. Elle se sent délaissée par sa famille, elle se considère comme une ratée et doit faire face à la maladie de ses parents, de gros fumeurs qui ont les poumons très endommagés.
Pour essuyer ces coups durs, elle se rend au casino régulièrement. Elle est très douée, joue avec intelligence et maîtrise. Elle se fixe des règles strictes pour éviter de tomber dans l’addiction.
Lorsqu’elle joue, elle ne pense plus à rien, ses habitudes de jeu prennent le dessus. Au fil du temps, elle assouplit ses règles et tombe dans l’addiction. Elle perd 900 000 $ aux jeux. Malgré son envie de changer, elle échoue.
Un neurobiologiste cognitif a identifié le problème des joueurs addicts : la victoire leur procure une excitation neurologique, les zones cérébrales de l’émotion et de la récompense sont très actives en période de jeu.
Néanmoins, le réel problème n’est pas là. Lorsqu’un joueur pathologique se retrouve face à un quasi-loupé, il retente sa chance. Lorsqu’un joueur raisonné se retrouve face à la même situation, il prend conscience du danger et quitte le jeu.
Brian Thomas est somnambule depuis petit. Une nuit, alors qu’il croit à un cambriolage, il confond sa femme avec un agresseur et l’étrangle. Paniqué, il appelle les secours. Il ne comprend pas comment il a pu tuer sa femme qu’il aimait plus que tout.
Suite à un examen médical, Chris Idzikowski, spécialiste du sommeil, découvre que Brian est en réalité victime de terreurs nocturnes. Les terreurs nocturnes sont sources d’une grande anxiété, elles mettent le cerveau en veille et ne permettent que des mouvements primitifs (marche, respiration, lutte).
La personne qui fait des terreurs nocturnes ne prend aucune décision et peut se suicider, commettre un meurtre ou un viol, sans même en avoir conscience. Brian sera déclaré innocent.
Inconscient de son mal, il n’avait aucun moyen d’empêcher cette tragédie. Angie sera, quant à elle, reconnue coupable de son addiction. Consciente de ses habitudes de jeu, elle avait la responsabilité de changer, avant qu’il ne soit trop tard.
Conclusion
Il n’existe pas de panacée contre les mauvaises habitudes, puisqu’elles sont propres à chacun. Au travers de nombreux cas de figure, Charles Duhigg explique les principes de bases des habitudes : identifier ses automatismes, comprendre le signal et isoler la récompense pour pouvoir modifier les routines néfastes et changer la boucle de l’habitude.
Ce qu’il faut retenir de ce koob :
- les habitudes suivent un processus neurologique bien défini ;
- il est tout à fait possible de se créer de nouvelles habitudes ;
- il est également possible de modifier des habitudes déjà présentes ;
- parfois, les tragédies sont la clé du changement ;
- en se concentrant sur une habitude clé, vous pouvez améliorer chacun de vos automatismes ;
- les petites victoires mènent aux grandes réussites ;
- le milieu professionnel peut révolutionner vos habitudes ;
- la volonté nourrit le succès ;
- les routines dans l’entreprise sont indispensables à leur bon fonctionnement ;
- des routines mal pensées peuvent conduire à la catastrophe ;
- les statistiques peuvent déchiffrer les habitudes de chacun ;
- les luttes sociales ont recours aux habitudes ;
- il est difficile de définir la responsabilité que vous avez, lorsque vous agissez par automatisme.