Le hasard sauvage

de Nassim Nicholas Taleb

Le hasard sauvage - Comment la chance nous trompe

En lisant ce koob, vous apprendrez à mieux prendre en compte le hasard lors de vos prises de décision.

Vous apprendrez aussi :

  • que l’être humain n’est pas doué pour réfléchir de manière rationnelle ;
  • que les économistes, les journalistes et les traders ne sont pas aussi fiables qu’il n’y paraît ;
  • que la réussite n’est pas forcément synonyme de compétence ou d’intelligence ;
  • comment mieux faire face à l’imprévisibilité ;
  • comment devenir plus sage.

Le hasard, parfois appelé chance ou destin, est un paramètre incontournable des événements et de la vie elle-même. Pourtant, l’être humain s’obstine à vouloir en réduire l’importance, croyant dans son arrogance pouvoir le contrôler, voire le faire disparaître. Experts de tous poils, traders et même économistes se targuent ainsi de prédire le futur… jusqu’à ce qu’ils se trompent, ce qui arrive immanquablement. Le hasard étant sûrement plus fort que la raison humaine, il serait plus sage de faire preuve d’humilité. Si l’homme est irrémédiablement faillible et incapable de penser correctement, ne vaudrait-il pas mieux prendre en compte cette limitation, plutôt que d’essayer de la combattre ? Découvrez quelques clés pour y parvenir !

L’avis de l’auteur du koob, Mauro Morgana :

“Nassim Nicholas Taleb a consacré sa vie à l’étude du hasard, notamment grâce à sa passion pour la science et les probabilités, qu’il a mise en application dans son métier de trader. Ses thèses, qui ont plus tard connu le succès grâce à son best-seller Le Cygne noir, sont atypiques. Selon lui, tout le monde s’agite pour prédire le futur, mais cela est inutile et impossible. J’ai ainsi particulièrement aimé ses conseils pour mieux accepter le hasard et l’imprévisibilité dans sa propre vie, et pour cesser de se sentir diminué par le succès des autres.

Il s’agit d’un ouvrage aux multiples degrés de lecture, que je conseille à tous et particulièrement aux personnes intéressées par les investissements financiers, car les lois du hasard concernent tout le monde !”

La réalité est bien plus complexe à comprendre que vous ne le pensez

Rapidement, les hommes ont réalisé qu’ils possédaient des facultés de raisonnement et qu’ils pouvaient parfois plier la nature à leur volonté. Depuis cela, leur arrogance vis-à-vis de la réalité n’a cessé de croître. De quelle manière cela se traduit-il ?

Les hommes croient pouvoir prédire le futur en analysant le présent. En effet, selon eux, si les données disponibles à l’analyse sont assez nombreuses, alors le résultat futur est déterminable et certain.

Voilà pourquoi, par exemple :

  • ils multiplient les sources d’information, notamment dans les médias et les rapports d’experts ;
  • ils passent leur temps à inventer des théories et des liens de causalité censés expliquer les événements.

Quand bien même leurs prédictions se révèlent fausses, ils trouvent toujours des excuses pour atténuer leur échec.

Par exemple, après les attentats du 11 septembre 2001, de nombreuses voix se sont élevées pour expliquer qu’il était évident que cet événement allait se produire. Seulement, les indices n’avaient pas été perçus à temps.

Le fait de penser a posteriori qu’il aurait été possible de prédire un événement s’appelle le biais de rétrospection.

En outre, chaque individu croit être le meilleur, le plus intelligent ou le plus perspicace parmi tous les autres. Cela le pousse à faire des erreurs de raisonnement, par exemple en ne tenant pas compte des faits et en faisant confiance à son intuition ou à ses expériences passées.

Malheureusement pour les hommes, la réalité est bien plus complexe à comprendre qu’ils ne semblent le croire. Pourtant, ils continuent à se fier à leurs capacités d’analyse, malgré leurs échecs répétés et patents.

De même, ils sont toujours surpris quand un événement improbable et inattendu se produit.

Cela ne les empêche pas par exemple :

  • de lire avec attention les journaux, pourtant écrits par des journalistes dont le rôle est moins d’expliquer la réalité que d’attirer l’attention du lecteur ;
  • d’inviter des experts et des économistes pour éclairer les tendances. Ces personnes sont pourtant payées car elles ont l’air plus intelligentes que la moyenne, mais elles n’ont aucune idée de ce qui va réellement se passer ;
  • d’investir des sommes colossales dans des actions qui sont décorrélées de la vraie valeur des entreprises. Elles sont donc sujettes à des variabilités incohérentes et imprévisibles puisqu’elles ne reposent sur rien de précis.

En résumé, quelles que soient les illusions des hommes au sujet de l’avenir, le futur ne se laisse pas prévoir aussi facilement. Cherchez-vous, vous aussi, à anticiper les événements ?

L’être humain est soumis à ses émotions et n’est pas doué pour réfléchir objectivement

Comme si l’illusion de comprendre la complexité de la réalité ne suffisait pas, les êtres humains sont en plus soumis à un autre défaut majeur. Celui-ci est inhérent à leur nature. De quoi s’agit-il ?

Les hommes sont invariablement soumis à leurs émotions et quasiment incapables de réfléchir objectivement.

Par exemple :

  • il vous sera très difficile de rester de marbre dans les bouchons ou face à un individu qui vous insulte au feu rouge. Et ce même si vous savez pertinemment que vous énerver ne servira absolument à rien ;
  • vous ferez tout pour éviter des pertes boursières trop importantes à court terme, quitte à vendre à perte. Vous aurez, au contraire, du mal à ne pas acheter lorsque la tendance est haussière ;
  • quels que soient vos succès, vous aurez fatalement du mal à accepter sans jalousie la réussite spectaculaire d’un de vos collègues, pourtant moins intelligent ou diplômé que vous.

Quelle est la raison de cette incapacité chronique à utiliser sa raison ?

L’être humain est tout simplement programmé pour la survie et pour la reproduction, et non pour la réflexion.

Ainsi, simplifier de manière émotionnelle la réalité est un avantage. Cela permet de gagner du temps et de l’énergie pour faire face aux menaces immédiates.

Par exemple, il est facile de confondre la chance et le talent. Le fait de vous attribuer le mérite de votre succès plutôt que d’admettre avoir été chanceux vous permet de gagner en assurance.

Cela se traduit dans votre comportement et vous permet d’attirer plus facilement un partenaire sexuel.

De même, pour vous permettre de vous adapter plus facilement à votre environnement sans crouler sous les informations, vous transformerez par exemple :

  • le simple hasard en prévisibilité ;
  • une probabilité en certitude ;
  • une théorie en réalité ;
  • des indices non pertinents en signaux clairs.

Cette action déformante de la réalité par le cerveau est automatique et instinctive. Même si vous êtes un scientifique ou un statisticien, vous agirez de manière émotionnelle et impulsive dès lors que vous ne serez plus dans votre domaine d’action spécialisé.

Cela est dû aux différentes parties du cerveau qui fonctionnent non pas comme un tout cohérent, mais en de multiples processus indépendants, plus ou moins anciens.

C’est par exemple le cas des réflexes de combat ou de fuite du cerveau reptilien, la partie la plus ancienne qui compose votre cerveau, identique à celle des animaux.

Or ces défauts sont si inhérents à la nature humaine qu’ils se révèlent tragiquement impossibles à corriger.

En avoir conscience permet cependant d’en limiter les dégâts, notamment lorsque vous avez des décisions importantes à prendre. Ne réagissez jamais sous le coup des émotions !

Somme toute, vos émotions vous empêchent fatalement de comprendre la réalité de manière objective. Méfiez-vous de vous-même et essayez de distinguer ce qui relève de la raison et ce qui relève de vos émotions !

Le biais du survivant déforme la perception du succès

Parmi les exemples les plus évidents et les plus fréquents d’une réflexion émotive et non objective se trouve le “biais du survivant”. Vous devez vous en méfier particulièrement. Pourquoi ?

Le biais du survivant déforme invariablement votre perception d’une situation, car vous pensez qu’en imitant le meilleur, vous pourrez atteindre le succès. Pourtant, ce n’est pas un gage de réussite. Ne vous y fiez donc pas !

Par exemple, les traders qui gagnent le plus sont automatiquement considérés comme ceux qui ont le plus de talent. Leur position financière est donc enviée et beaucoup cherchent à les imiter.

Paradoxalement, ce sont souvent les individus les moins compétents ou les moins intelligents qui réussissent le mieux, car ils ne voient pas le danger que représente leur prise de risque.

En réalité, la réussite des traders ne dit rien de plus qu’ils ont été au bon endroit au bon moment. Leur succès est uniquement conjoncturel.

D’ailleurs, plus le temps passe, plus il est probable que ce genre d’individu perde tout lors d’un événement imprévu. Statistiquement, il est évident que sur un grand nombre d’individus qui investiraient en Bourse totalement au hasard, il y aurait quelqu’un qui se distinguerait des autres.

Toutefois, il ne faut pas oublier tous les autres “perdants”, qui deviennent dès lors invisibles et n’intéressent personne alors qu’ils génèrent des données à prendre en compte.

Par exemple, si Bill Gates a connu le succès qui est le sien, ce n’est pas parce qu’il est le meilleur informaticien. Il a simplement été le gagnant d’une compétition entre plusieurs entreprises à un moment donné.

Les consommateurs ont ainsi préféré acheter ensuite ses produits car ils étaient déjà diffusés un peu partout.

Il en va de même des acteurs ou des auteurs. Celui qui atteint la notoriété, souvent pour des raisons obscures, “rafle tout”. Il renvoie alors dans l’oubli tous les autres, peut-être même s’ils sont plus talentueux ou compétents.

D’ailleurs, le penseur humaniste Machiavel disait dès la Renaissance :

  • que 50 % de la réussite est due à la chance ;
  • alors que 50 % est due à la ruse et au talent.

Il convient donc de dissiper cette illusion darwiniste qui consiste à croire que seuls les meilleurs survivent et s’adaptent, tandis que les autres disparaissent.

Le monde réel ne fonctionne pas ainsi. En fait, c’est une succession de facteurs ponctuels, conjoncturels et dus au hasard qui expliquent le succès dans la très grande majorité des cas.

Évidemment, cela est moins intéressant pour l’être humain, car il n’a quasiment aucune prise sur la chance ou le hasard, et ne peut donc pas en contrôler l’issue. Ce n’est néanmoins pas une raison pour ne pas les prendre en compte.

En bref, ne soyez pas dupe : ce n’est pas parce que quelqu’un a réussi que cela traduit forcément ses compétences. La plupart du temps, il a juste bénéficié d’une bonne conjoncture. Ainsi, n’ayez crainte : vous connaîtrez peut-être le succès vous aussi !

Pour estimer la valeur d’un résultat, il faut imaginer des histoires alternatives

Pour estimer la valeur d’un succès par rapport à une prise de risque, il existe une manière particulière d’analyser la situation de manière objective. Quelle est-elle ?

Ne considérez pas automatiquement que le succès et le travail mènent au succès. Cela est l’erreur la plus fréquente, liée au biais du survivant. Il convient plutôt d’estimer la prise de risque par rapport à des histoires alternatives, en y insérant le facteur du hasard.

Autrement dit, demandez-vous si le succès n’est pas trop cher payé par rapport aux risques que quelqu’un a pris.

Par exemple, imaginez qu’un riche mafieux vous propose de jouer à la roulette russe :

  • si vous gagnez, vous gagnez 10 millions d’euros. Vous avez cinq chances sur six que cela arrive ;
  • si vous perdez, ce qui représente une chance sur six, vous mourrez.

Imaginez maintenant que vous avez joué et gagné. Vous êtes désormais riche et vous profitez désormais du statut social et de la reconnaissance qui vont avec cet argent.

Cependant, que pensez-vous de votre succès par rapport à la prise de risque ? Cela était-il raisonnable ?

Maintenant, imaginez que, par appât du gain, vous recommenciez ce petit jeu tous les ans et que vous gagniez plusieurs fois de suite. Vous aurez alors sûrement la tentation de vous croire invincible. Vous oublierez trop vite le risque réel que vous encourez, jusqu’au jour où il sera trop tard !

Voilà comment fonctionne la majeure partie des traders à succès. Ils investissent des sommes faramineuses et en gagnent autant, jusqu’à ce qu’ils oublient les risques réellement encourus.

Pourtant, la vie n’est pas composée d’un seul barillet de six balles : il existe beaucoup plus de possibilités fatales. De plus, les probabilités se font quasiment à l’aveugle.

Il en va de même pour tous les succès.

Par exemple, les victoires de Napoléon ou César ont été éclatantes, mais à quel prix ? Combien d’histoires parallèles négatives auraient pu se produire avec les mêmes probabilités ?

Bien sûr, vous pouvez argumenter que, sans cette prise de risque, il n’y aurait pas eu d’hommes si puissants.

Cependant, n’oubliez pas le biais du survivant. Pour un César victorieux, combien de généraux tout aussi talentueux ont été broyés par la défaite et relégués dans les limbes de l’histoire ?

Finalement, le cerveau humain est ébloui par le résultat final et néglige trop souvent le facteur de la chance. Une réflexion équilibrée doit plutôt s’attacher à pondérer les risques pris pour prendre la bonne décision. Demandez-vous toujours si vous estimez correctement le risque !

L’histoire montre que les événements imprévisibles sont inévitables

Les limitations de la nature humaine sont telles que, même avec des exemples précis de catastrophes du passé, les individus sont incapables d’en tirer des leçons. Comment est-ce possible ?

Les hommes ne comprennent pas les dangers réels d’un événement tant qu’ils n’en ont pas eux-mêmes fait l’expérience. Cela est dû à leur programmation biologique, nécessaire à leur survie.

Pendant des dizaines de milliers d’années, les êtres humains mourraient jeunes. De ce fait, il n’était pas nécessaire ni très utile de prendre en compte les expériences passées pour améliorer son futur. Les hommes ne cherchaient pas à projeter leur pensée des années, voire des décennies plus tard.

Peu importait de faire des erreurs, cela ne changeait pas fondamentalement leur vie. Pire, une telle réflexion les aurait empêchés de saisir des opportunités pour atteindre le succès.

Bien entendu, tout cela est quelque peu différent désormais. Les hommes vivent bien plus longtemps et cette espérance de vie accrue nécessite un minimum de réflexion à long terme.

Comment contrer cette incapacité de l’homme d’apprendre du passé ?

L’histoire vous apprend que des événements négatifs, par exemple la crise financière de 1929, ou positifs, comme la création de nouvelles technologies, se produisent invariablement.

Gardez-vous donc de considérer les cycles stables comme un indicateur certain de l’avenir.

Par exemple :

  • ce n’est pas parce que la Bourse n’a jamais baissé de plus de 20 % en trois mois que cela ne peut pas se produire ;
  • ce n’est pas parce que votre voisin est un parfait gentleman qu’il ne serait pas un horrible meurtrier ;
  • ce n’est pas parce que vous avez toujours eu une santé de fer que cela durera toujours.

Ce phénomène a permis au philosophe John Stuart Mill d’établir sa théorie du cygne noir. Regarder de très nombreux cygnes blancs ne permet pas de dire avec certitude que tous les cygnes sont blancs. En revanche, il suffit de ne voir qu’une fois un cygne noir pour savoir avec certitude que tous les cygnes ne sont pas blancs.

En pratique, c’est donc la traduction d’un événement si rare que le cerveau humain ne peut le modéliser dans ses projections, mais qui pourrait bien survenir tout de même.

Vous pourriez donc être tenté de ne pas en tenir compte, puisqu’il est impossible de le prévoir à cause de son imprévisibilité.

Toutefois, c’est justement en le prenant en compte que vous fonderez un raisonnement équilibré et utile. Plus le temps augmente, plus vous avez de chances de croiser un événement rare sur votre chemin.

Or les conséquences d’un événement rare sont asymétriques. Elles sont disproportionnées par rapport aux événements habituels.

Au niveau financier, cela se traduit par exemple par des chances beaucoup plus importantes de faire fortune en pariant justement sur la survenue d’un tel événement.

En somme, vous pourriez être tenté de ne pas considérer les événements imprévus, parce qu’ils ne se sont jamais produits ou ne se sont pas produits depuis longtemps. Pourtant, ils surviendront forcément un jour. Prenez-les en compte pour vous protéger ou pour en profiter !

Les probabilités sont très utiles pour interpréter le hasard, mais les hommes ne les comprennent pas

En interprétant le chaos des événements imprévisibles, seule la science a su donner une base exploitable et rationnelle au hasard à travers les mathématiques et les probabilités. Cependant, les limitations liées à la nature de l’homme l’empêchent de profiter de ces outils. Pour quelle raison ?

Pour comprendre le monde, l’être humain préfère toujours le concret et le subjectif à l’abstrait.

Par exemple, il est bien plus agréable de ne partir de rien et de gagner un million que de rester avec un seul million quand vous êtes habitué à en avoir dix.

Par conséquent, même si la science permet de déterminer une probabilité, les êtres humains ne peuvent s’empêcher de déformer sa signification.

Par exemple :

  • vous ne réagirez pas de la même manière si un médecin vous annonce que vous avez 30 % de chances de mourir sous peu que s’il vous dit que vous avez 70 % de chances de survivre ;
  • si un restaurateur vous dit que votre hamburger contient 25 % de gras, vous n’aurez pas la même réaction que s’il vous dit que vous mangez un hamburger allégé à 75 %.

Pourtant, dans les deux cas, les probabilités sont les mêmes.

En réalité, en dehors du cercle très restreint des mathématiques appliquées, les probabilités sont peu utiles pour un individu normal. Ce qui compte pour lui est de savoir ce qui est bon ou non pour sa propre survie, pas d’estimer une probabilité mathématique.

L’économiste Herbert Simon nomme ce phénomène “la satisfisance”, contraction de “satisfaction” et de “suffisance”.

Selon lui, les individus ne cherchent pas à optimiser leur comportement de manière rationnelle. Ils veulent plutôt se satisfaire rapidement d’une seule option dans un environnement incertain et imprévisible, avec des connaissances parcellaires.

Cette rationalité limitée les empêche d’utiliser les mathématiques et les probabilités de manière efficace pour optimiser la prise de décision.

En somme, même les mathématiques ne sont pas d’un grand secours pour les êtres humains, car ceux-ci préfèrent des résultats concrets et visibles à une estimation. Pourtant, cette science permet de déterminer une certaine probabilité des événements !

Apprenez à vous comporter selon la sagesse antique

Face au contrôle du hasard sur l’existence et l’incapacité fondamentale de l’homme à le prendre en compte à sa juste mesure, vous pouvez penser qu’il n’y a rien à faire. Les hommes sont-ils voués à subir les conséquences sans pouvoir les prévoir ?

La question du déterminisme, c’est-à-dire de savoir si l’homme est libre ou non face au hasard, n’est pas nouvelle. Ce problème semble pourtant prendre de plus en plus d’importance, car les sociétés modernes ont une aversion pour tout ce qui n’est pas contrôlable.

Les civilisations antiques elles-mêmes y avaient beaucoup réfléchi. Pendant l’Antiquité, l’imprévisibilité ne portait pas le nom de hasard, mais de Dieux, de Fortune ou de Destinée.

Les hommes étaient considérés comme les jouets de motivations supérieures. Ils ne pouvaient espérer trouver une forme de bonheur que d’une seule manière : par le contrôle de ce qui n’est pas soumis à l’imprévisibilité, c'est-à-dire leur propre état d’esprit.

Par exemple, Patrocle est un héros, non pas parce qu’il meurt à la place d’Achille qui avait refusé le combat, mais parce qu’il prend sa place en refusant l’inaction. De même, Ulysse passe de revers en revers, mais c’est un héros car il utilise son intelligence et sa volonté pour y faire face.

Ce qui définit un héros pour l’Antiquité n’est donc pas l’importance du succès ou du résultat, mais le fait de se comporter comme tel, quelles que soient les circonstances.

Les stoïciens ont repris à leur compte cette position philosophique. **Ils conseillent de ne se préoccuper que de ce qui dépend de soi-même plutôt que des événements eux-mêmes, qui sont par définition imprévisibles. **Il faudrait ne s’occuper que de contrôler ses émotions et de ses réactions aux événements.

Il serait peut-être temps que les sociétés modernes réapprennent cette sagesse antique et atténuent leur arrogance vis-à-vis du hasard.

Par exemple, pour vous comporter de manière plus fidèle à ces principes anciens, vous pouvez :

  • toujours faire preuve de retenue lors des revers de fortune. Ne criez pas et ne blâmez pas les autres ;
  • ne rien dire à personne si vous avez des problèmes de santé. Vous n’attirerez que de la pitié, de l’indifférence ou de la gêne ;
  • ne jamais vous apitoyer sur vous-même ;
  • maîtriser vos pensées. Contrairement aux événements, vous avez toujours le pouvoir de les contrôler et de ne pas vous laisser submerger par les pensées négatives ;
  • apprécier le moment présent, ****car vous savez qu’il ne durera pas.

En définitive, si les hommes ne peuvent contrôler le hasard, ils peuvent néanmoins maîtriser leur propre réaction aux événements. Et si c’était le secret pour se comporter de manière vraiment rationnelle ?

Appréciez l’imprévisibilité

Dans le monde actuel, il existe un paradoxe étrange : les technologies ont permis d’obtenir beaucoup de confort et d’opportunités. Pourtant, l’impression de frénésie et d’urgence n’a jamais été aussi vive. Comment remédier à cette situation ?

D’abord, apprenez à voir l’imprévisibilité comme une alliée plutôt que comme une ennemie.

Par exemple, aimeriez-vous connaître le jour exact de votre mort ou la fin d’un film avant de l’avoir visionné ? L’imprévisibilité ajoute du sel à l’existence, pour peu qu’elle soit appréciée à sa juste valeur.

De même, si vous pouvez vous le permettre, ne compartimentez pas votre vie avec des horaires.

Par exemple, si vous devez aller au restaurant avec un ami mais que vous habitez en banlieue, vous savez que vous devez partir à une certaine heure pour ne pas rater le dernier métro.

Avec cette certitude en tête, il est probable que votre soirée soit bien moins agréable que ce qu’elle aurait pu être si vous aviez ignoré les horaires. Il en va de même des horaires de réveil ou de coucher.

D’autre part, vous savez que la grande majorité des médias ne fournissent pas de réelles informations, mais du “bruit” pour capter votre attention.

Par exemple, le scandale de la vache folle a fait quelques centaines de morts. Pourtant, personne ne parle de la malnutrition, qui en fait des millions par an.

Il est donc bien plus utile pour votre qualité de vie de diminuer votre exposition aux médias. Ce qui est important parviendra à vos oreilles quoi qu’il arrive, mais vous n’avez pas besoin d’être stressé au quotidien pour des événements sans importance.

Consulter les informations une fois par semaine est largement suffisant.

Si vous vous intéressez à la finance, cessez de regarder les courbes monter et descendre à intervalles réguliers. L’aversion pour la perte vous rendra bien plus malheureux que vous le croyez.

Prenez des investissements rationnels en vous appuyant sur le long terme et les probabilités. Ensuite, laissez faire les choses sans vous en préoccuper.

Enfin, cherchez à évoluer dans un milieu social où vous serez en haut de la pyramide. Les bénéfices sur votre qualité de vie seront multiples, car vous êtes un animal social ayant besoin de considération pour son équilibre psychique.

Vous serez plus à même de combattre l’imprévisibilité des événements si vous avez l’impression d’avoir réussi dans votre vie.

Pour conclure, la tolérance à l’imprévisibilité peut être augmentée par des moyens détournés. Ne vous fiez donc plus aux horaires, cherchez à évoluer dans un endroit où vous êtes un modèle de réussite et diminuez votre exposition aux médias. N’hésitez pas à trouver ce qui fonctionne pour vous !

Conclusion

L’être humain ne sait pas prendre en compte convenablement le hasard : soit il le sous-estime, soit il en souffre car il ne peut pas le contrôler. Il est cependant possible d’y remédier partiellement. Le hasard et l’imprévisibilité sont et resteront une donnée fondamentale de la vie. Autant composer avec eux plutôt que de les combattre ! Saurez-vous y parvenir ?

Ce qu’il faut retenir de ce koob :

  • l’être humain est soumis à ses émotions et est incapable de faire des abstractions objectives ;
  • la réalité est très complexe et il est donc impossible de prédire certains événements, surtout pour les économistes et les traders ;
  • s’il n’est pas possible de contrôler ou de prédire les événements, vous pouvez contrôler vos émotions et vos réactions à ceux-ci ;
  • acceptez le fait que les événements improbables et imprévisibles se produiront fatalement un jour ou l’autre ;
  • trouvez des moyens indirects pour apprivoiser l’imprévisibilité, en acceptant par exemple de ne pas vous donner d’horaires fixes ;
  • les succès s’expliquent bien plus souvent par la chance que par le talent.

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